De pierre, d’or et de feu-La création artistique au Moyen Age IV-XIIIe siècle
Notre ignorance quasi totale de l’identité des sculpteurs de Chartres, de l’architecte de la Sainte-Chapelle ou des enlumineurs des grands
manuscrits à peinture n’est pas le fruit de lacunes documentaires, mais du faible intérêt porté par les hommes du Moyen Age à ceux que nous
appelons les artistes. Plus exactement, ils estiment que le seul véritable créateur est le commanditaire, celui qui a voulu l’oeuvre et l’a financée,
et c’est lui que nomment les sources.
Intellectuel (quand il est homme d’Eglise) ou bien détenteur de la puissance publique, il n’est pas un mécène qui permet à l’artiste de s’exprimer,
mais un maître d’ouvrage qui trace un programme précis à l’intention du peintre, du sculpteur ou de l’architecte. De ceux-ci il n’attend qu’une
seule chose : l’excellence manuelle dans l’exécution.
Dans les derniers siècles de l’Antiquité, la création artistique se trouve entre les mains du pouvoir impérial, puis passe, sous les Mérovingiens et
plus encore sous les Carolingiens, à celles des rois, enfin à celles des abbés et des évêques, avant de revenir – comme dans l’Allemagne
ottonienne ou la France de Saint Louis – au roi. C’est seulement avec l’apparition, aux XIVe et XVe siècles, d’une société civile qui se détache peu
à peu de l’Eglise et de la monarchie que la création s’affirme en tant que telle. Le mouvement est alors lancé : avec le Quattrocento italien puis la
Renaissance, on assiste au véritable sacre de l’artiste.
L’approche, très novatrice, d’Alain Erlande-Brandenburg enrichit la réflexion traditionnelle sur le jeu des styles ou des formes, elle affine la
reconstitution (chronologique) des filiations et des influences ; elles s’inscrit dans la contingence, dans l’Histoire elle-même. Elle libère l’histoire
de l’art de la froideur et de l’abstraction qui parfois la menacent et lui confère la vitalité du vécu humain. Alain Erlande-Brandenburg, directeur
d’études à l’Ecole Pratique des hautes études (IVe section), professeur à l’Ecole des chartes, conservateur général du Patrimoine, ancien adjoint
au directeur des Musées de France, ancien directeur des Archives de France (1994-1998), a publié en 1984 L’Art gothique (éditions Mazenod), en
1987 La Conquête de l’Europe, 1260-1380 (“L’Univers des formes”), en 1992 La Cathédrale (Fayard), ainsi que de nombreux ouvrages relatifs à
l’art du Moyen Age.