Le passé d’une illusion – François Furet
Le destin de l’idée communiste depuis 1917 est qu’elle a été prise entre son universalité abstraite et son incarnation dans l’histoire. Le cours de la révolution bolchevique n’a cessé d’être malheureux ou tragique. Pourtant la promesse de l’Octobre russe a traversé le siècle pavillon haut. De Lénine à Gorbatchev, l’histoire n’a pas éteint la flamme de l’utopie. Au contraire, elle l’a nourrie. Cette relation imaginaire des hommes du XXe siècle avec l’idée communiste forme le sujet de ce livre. Elle s’étend très au-delà des régimes de type soviétique, et elle a d’ailleurs vécu plus longtemps à l’ouest qu’à l’est de l’Europe. Le secret de son rayonnement tient à ce qu’elle prolonge la tradition révolutionnaire de l’Occident : à peine vainqueur, le bolchevisme s’est installé dans l’héritage jacobin, et a repris à son compte le projet de régénérer l’humanité par les effets cumulés de l’action et de la science. Mais le mythe soviétique n’eût pas duré tout le siècle sans les relais que les circonstances ont offerts à son mensonge. Né de la Première Guerre mondiale, il donne un de ses visages au nihilisme d’époque. Il capitalise les injustices du traité de Versailles. Il s’enrichit du spectacle de la Grande Dépression. Il prospère dans l’antifascisme. Il atteint son zénith à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Même la déstalinisation étend son influence au moment où elle en marque pourtant le déclin. Le communisme disparaîtra avant d’avoir épuisé les espérances de ses partisans. L’Occident fera cortège autour de son convoi. Le titre est une allusion à l’ouvrage de Sigmund Freud, “L’Avenir d’une illusion”. Historien de réputation internationale, connu pour ses ouvrages sur la Révolution française, François Furet a dirigé l’École des hautes études en sciences sociales. Il est professeur à l’université de Chicago et président de la fondation Saint-Simon. Son livre constitue la première grande synthèse historique sur le communisme au XXe siècle.