Léo Malet – Les Paletots Sans Manches
Et voici, vénéreux et hostile sous la clarté blafarde de la lune, le château Flauvigny. Il s’étire, s’allonge, se rapetisse ou grandit, selon que j’avance ou recule, au gré fantasque des zigzags. Je gravis le perron sur les genoux. Je saisis le pied d’une des porteuses de flambeaux et me hisse lentement le long de son mollet et de sa cuisse. J’enlace la créature de bronze, je lui palpe les seins, j’embrasse sa bouche froide et me libère, en crachant, du souvenir de métal. Je frissonne et me dirige vers sa copine, en me souhaitant plus de chance. Et, en effet, l’autre est moins froide. Pourtant elle est frileuse, puisqu’elle s’est habillée. Elle porte, sous une cape de fourrure, une chemise de nuit fine, jolie et attirante comme un suaire de fantôme. Elle est pieds nus. Elle n’a pas la couleur du bronze. La lune argente ses cheveux blonds. Elle ne tient pas de flambeau. Et sous l’étreinte, pourtant bien faible de mes bras, elle frémit..