Espions et ambassadeurs au temps de Louis XIV
Avec leur cortège de belles espionnes, de faux moines et de vrais aventuriers, les affaires d’espionnage dont Lucien Bély a retrouvé la trace
sont souvent des ébauches de romans. Aristocrate, marchand, prêtre, voyageur anonyme, le bon agent secret doit ressembler à tout le monde.
A la moindre alerte, il disparaît.
Au-delà du pittoresque, cette formidable enquête sur l’information et la diplomatie à l’aube des Lumières nous plonge au coeur des sociétés
modernes. Si _ raison d’Etat oblige _ les princes de l’Europe ont leurs réseaux de renseignement, dans la réalité l’espionnage justifie la
surveillance policière mais suscite aussi la fabulation.
A l’univers du doute et du soupçon qu’est par définition l’information secrète s’oppose celui des ambassadeurs, monde de l’éclat, de la
certitude, de la cérémonie publique. Le parfait négociateur doit être l’image du souverain à l’étranger. Transplanté dans un monde différent, il
doit apprendre à le connaître et chercher à le séduire.
A suivre au jour le jour ces hommes qui s’efforcent d’organiser l’Europe, on voit apparaître ” une profession à part “, celle de ” négociateur “,
mise en valeur au début du XVIIIe siècle par le congrès d’Utrecht. On découvre aussi que l’Histoire s’écrit autant à coups d’hésitations et
d’erreurs que de décisions bien pesées.
Etape essentielle dans l’histoire de la diplomatie, Utrecht témoigne d’un art de vivre européen, du culte de la langue française, du goût de la
conversation, mais surtout d’un idéal commun, l’oeuvre de paix. Après tant de guerres, et malgré les menaces de rupture, une paix fut signée.
La diplomatie définissait un ordre politique durable et répondait aux aspirations des peuples en travaillant à leur bonheur. La même année,
l’abbé de Saint-Pierre publiait son Projet de paix perpétuelle. Au lendemain de la guerre de Succession d’Espagne, les valeurs pacifiques
l’emportaient pour un temps sur la gloire de la guerre.
Lucien Bély, ancien élève de l’Ecole normale supérieure, agrégé d’histoire, ancien pensionnaire de la Fondation Thiers, docteur ès lettres, est
professeur d’histoire moderne à l’Université Charles-de-Gaulle de Lille.