Spinoza avait raison
À mesure que la neurologie progresse et que se développe la psychologie cognitive, les scientifiques de ces disciplines éprouvent un besoin grandissant d’entrer en dialogue avec les philosophes. C’est le cas du neurobiologiste Jean-Pierre Changeux qui débat avec Paul Ricœur dans Ce qui nous fait penser : la nature et la règle ou encore de Jean-Didier Vincent et Luc Ferry qui échangent autour de la question :Qu’est-ce que l’homme ?. Antonio R. Damasio, neurologue américain, préfère pour sa part prendre comme interlocuteurs de grandes figures de l’âge classique : après L’Erreur de Descartes, voici Spinoza avait raison !Comme l’indiquent sans nuance les titres de ces ouvrages, le scientifique prétend intervenir sur le terrain philosophique en arbitre et en juge. Justice expéditive, sans doute, s’il est vrai qu’on ne doit pas s’attendre à rencontrer, au fil des pages de cet essai spinoziste, une connaissance précise et de première main de la doctrine du philosophe hollandais. Alors, faut-il refermer le livre et s’en remettre soit à Spinoza lui-même (Éthique), soit à un bon manuel de physiologie nerveuse ? S’il faut lire Spinoza avait raison, si l’on veut y trouver plaisir et intérêt, ce n’est pas pour en apprendre sur la façon dont l’auteur administre le credo neurobiologiste selon lequel le cerveau produit les émotions et les pensées ; c’est plutôt pour se laisser séduire par les rêveries d’un scientifique du XXIe siècle autour d’un homme du XVIIe qui le fascine à plus d’un titre. Sur les traces d’un humble polisseur de lentilles dont la profondeur de pensée n’a d’égale que la force de sa vertu, l’auteur nous entraîne dans les ruelles de La Haye et d’Amsterdam pour nous y faire partager quelque chose que la neurologie n’a pas encore complètement élucidé : l’amour de Spinoza.–Emilio Balturi